Il arrive parfois que la frontière soit mince entre la recherche industrielle et la recherche universitaire. C’est notamment le cas pour le Prix Nobel de Chimie 2017, décerné aux inventeurs d’une technologie que Solvay utilise depuis sa conception, il y a presque deux décennies déjà!

Cette technologie se nomme  la cryo-microscopie électronique. Elle consiste à congeler une solution liquide dans l’azote afin d’obtenir une image précise de sa structure moléculaire à l’aide d’un microscope électronique en transmission. De cette manière, les scientifiques peuvent véritablement observer le fruit de leur travail et affiner leurs formulations en conséquence.

“Arrive un stade où les chimistes et biologistes ont besoin de visualiser le résultat de leurs travaux,” explique Marc Airiau, ingénieur R&D au Centre Recherche & Innovation de Solvay à Aubervilliers, près de Paris. “Cette méthode joue un rôle important pour étudier la structure et l’état de dispersion de formulations complexes. Elle fournit de précieuses informations.”


Tout a commencé avec un plateau en polystyrène…

Dans les années 1990, lorsque l’équipe du laboratoire d’Aubervilliers a entendu parler de cette nouvelle technologie mise au point par le biochimiste suisse Jacques Dubochet, elle a immédiatement  compris l’intérêt que celle-ci présentait pour ses travaux. “La technologie a fait ses premiers pas de manière très artisanale, à l’aide d’un simple plateau en polystyrène, mais les résultats furent probants,” explique Marc. Depuis lors, la technique s’est  bien entendu perfectionnée, et le Centre R&I est désormais reconnu au sein du Groupe comme le laboratoire spécialisé en cryo-microscopie électronique.  Cette méthode a pour autre avantage sa grande rapidité : il est possible de préparer, congeler et  photographier à des fins d’observation jusqu’à six échantillons par jour.

La cryo-microscopie électronique donne des indications sur la taille et la forme des assemblages moléculaires ainsi que sur la dispersion des agrégats minéraux et particules primaires, permettant  d’observer davantage de choses qu’avec un microscope électronique classique, et par conséquent de mieux comprendre les propriétés d’un produit. Par exemple, le laboratoire a récemment eu recours à  cette technologie pour observer des particules d’oxyde de fer dans un additif pour moteur diesel. La cryo-miscroscopie électronique permet  aussi de réduire le taux d’échec lors des observations, et offre par conséquent une plus grande efficacité.

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Une passerelle avec la recherche universitaire

Fidèle à la politique d’innovation ouverte de Solvay, le laboratoire utilise également la cryo-miscrocopie électronique dans le cadre de travaux conjoints avec des chercheurs universitaires. Ainsi, la GBU Novecare et l’Université Diderot de Paris collaborent autour du développement d’ingrédients innovants pour des adoucissants pour textiles de la marque EasySoft.  La cryo-microscopie électronique leur permet notamment de mieux comprendre les interactions des composants avec le coton.

En outre, il n’est pas rare que le Centre R&I mette son savoir-faire à la disposition de doctorants. “En  général, ce sont les universités qui travaillent pour l’industrie,” explique  Annie Vacher, experte en cryo-microscopie électronique chez  Solvay (avec Marion Rateau), “mais il arrive parfois que ce soit l’inverse ! Nous avons par exemple eu l’occasion d’effectuer des observations pour une thèse de doctorat. Nos travaux sont alors  cités dans des publications scientifiques, nous ouvrant  les portes du monde de la recherche universitaire. Cette forme d’innovation ouverte nous permet d’approfondir nos connaissances des produits complexes.” Annie souligne l’enthousiasme suscité par la cryo-microscopie électronique : “J’aime la découverte constante et le suspense qu’offre  cette technologie. Il est toujours stimulant de découvrir quelque chose dont nous n’avions jusque là aucune idée. J’ai la chance d’observer des nouveautés  tous les jours. La routine n’existe pas avec la cryo-microscopie électronique.”

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Des nanofibres de cellulose clairement visibles. 

“Il s’agit encore d’une technique assez confidentielle, principalement utilisée par les biologistes,” précise Marc. “Ce type de compétences est quasiment unique dans le monde industriel.” D’une certaine manière, le Prix Nobel décerné à Jacques Dubochet rejaillit sur les experts de Solvay, et principalement sur Annie Vacher, qui faisait partie des premiers utilisateurs de cette méthode  il y a environ 20 ans  : “C’est agréable d’être associée à ce genre de reconnaissance. La cryo-microscopie électronique nous a déjà permis de tisser des liens avec la recherche universitaire, et maintenant avec l’univers des Prix Nobel !”, conclut Annie.

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Ces “bulles” nanométriques sont des vésicules tensioactives, comme celles que l’on trouve par exemple dans les shampooings.